3° TRAITÉ D'ALLIANCE 656.

Note 656: (retour) D'après la minute des affaires étrangères, publiée par M. Fournier, et l'original conservé aux archives de Saint-Pétersbourg, publié par M. de Tatistcheff.

S. M. l'Empereur de toutes les Russies et S. M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie, protecteur de la Confédération du Rhin, ayant spécialement à coeur de rétablir la paix générale en Europe sur des bases solides et, s'il se peut, inébranlables, ont, à cet effet, résolu de conclure une alliance offensive et défensive et nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir: (suivent les noms et titres des princes Kourakine et Lobanof de Rostof, pour la Russie, et de Charles-Maurice Talleyrand, prince de Bénévent, pour la France),


Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs respectifs, sont convenus des articles suivants:

Article premier.--S. M. l'Empereur de toutes les Russies et S. M. l'Empereur des Français, Roi d'Italie, s'engagent à faire cause commune, soit par terre, soit par mer, soit enfin par terre et mer, dans toute guerre que la Russie ou la France serait dans la nécessité d'entreprendre ou de soutenir contre toute puissance européenne.

Art. 2.--Le cas de l'alliance survenant et chaque fois qu'il surviendra, les hautes parties contractantes régleront par une convention spéciale les forces que chacune d'elles devra employer contre l'ennemi commun, et les points où ces forces devront agir; mais, dès à présent, elles s'engagent à employer, si les circonstances l'exigent, la totalité de leurs forces de terre et de mer.

Art. 3.--Toutes les opérations de guerre communes seront faites de concert, et ni l'une ni l'autre des parties contractantes ne pourra, dans aucun cas, traiter de la paix sans le concours ou le consentement de l'autre partie.

Art. 4.--Si l'Angleterre n'accepte pas la médiation de la Russie, ou si, l'ayant acceptée, elle n'a point le 1er novembre prochain consenti à conclure la paix en reconnaissant que les pavillons de toutes les puissances doivent jouir d'une égale et parfaite indépendance sur les mers et en restituant les conquêtes par elle faites sur la France et ses alliés depuis 657 1805, où la Russie a fait cause commune avec elle, une note sera, dans le courant dudit mois de novembre, remise au cabinet de Saint-James par l'ambassadeur de S. M. l'Empereur de toutes les Russies. Cette note, exprimant l'intérêt que Sadite Majesté Impériale prend au repos du monde et l'intention où elle est d'employer toutes les forces de son Empire pour procurer à l'humanité le bienfait de la paix, contiendra la déclaration positive et explicite que sur le refus de l'Angleterre de conclure la paix aux conditions susdites, S. M. l'Empereur de toutes les Russies fera cause commune avec la France, et pour le cas où le cabinet de Saint-James n'aura pas donné au 1er décembre prochain une réponse catégorique et satisfaisante, l'ambassadeur de Russie recevra l'ordre éventuel de demander ses passeports cedit jour et de quitter immédiatement l'Angleterre.

Note 657: (retour) Ici figurent dans la minute et l'original, à la place de «1805», ces mots: «le temps»; «1805» est porté en marge, et c'est cette variante qui a été adoptée, ainsi que le constate un parafe.

Art. 5.--Arrivant le cas prévu par l'article précédent, les hautes parties contractantes feront de concert, et au même moment, sommer les trois cours de Copenhague, de Stockholm et de Lisbonne, de fermer leurs ports aux Anglais, de rappeler de Londres leurs ambassadeurs et de déclarer la guerre à l'Angleterre. Celle des trois cours qui s'y refusera sera traitée comme ennemie par les hautes parties contractantes, et la Suède s'y refusant, le Danemark sera contraint de lui déclarer la guerre.

Art. 6.--Les deux hautes parties contractantes agiront pareillement de concert et insisteront avec force auprès de la cour de Vienne pour qu'elle adopte les principes exposés dans l'article 4 ci-dessus, qu'elle ferme ses ports aux Anglais, rappelle de Londres son ambassadeur et déclare la guerre à l'Angleterre.

Art. 7.--Si, au contraire, l'Angleterre, dans le délai spécifié ci-dessus, fait la paix aux conditions susdites (et S. M. l'Empereur de toutes les Russies emploiera toute son influence pour l'y amener), le Hanovre sera restitué au Roi d'Angleterre en compensation des colonies françaises, espagnoles et hollandaises.

Art. 8.--Pareillement, si par une suite des changements qui viennent de se faire à Constantinople, la Porte n'acceptait pas la médiation de la France, ou si, après qu'elle l'aura acceptée, il arrivait que, dans le délai de trois mois après l'ouverture des négociations, elles n'eussent pas conduit à un résultat satisfaisant, la France fera cause commune avec la Russie contre la Porte Ottomane, et les deux hautes parties contractantes s'entendront pour soustraire toutes les provinces de l'Empire ottoman en Europe, la ville de Constantinople et la province de Romélie exceptées, au joug et aux vexations des Turcs.

Art. 9.--Le présent traité restera secret et ne pourra être rendu public ni communiqué à aucun cabinet par l'une des parties contractantes sans le consentement de l'autre.

Il sera ratifié, et les ratifications en seront échangées à Tilsit, dans le délai de quatre jours.

Fait à Tilsit, le 7 juillet 1807.

Ch. Maurice Talleyrand
Prince de Bénévent

Le prince Alexandre Kourakine

Le prince Dmitry Lobanof de Rostof

Dieses Kapitel ist Teil des Buches NAPOLÉON ET ALEXANDRE I.